19/09/2018
« Rebattant les cartes de la grande distribution, ce concept propose d’impliquer les consommateurs dans la construction d’une cuvée qui rémunère décemment les producteurs suivant son cahier des charges.
Mi-janvier 2019 débarquera en linéaire le premier vin sous l’étiquette « C’est qui le Patron ?! » : un Beaujolais 2018 répondant au cahier des charges adopté en ligne par 2 800 consommateurs le printemps dernier. Ayant révolutionné les linéaires des briques de lait en 2016*, la marque permet aux clients de fixer sur Internet le prix qu’ils sont prêts à payer pour des critères de développement durable transparents, qu’il s’agisse de pratiques respectueuses de l’environnement, de la qualité du produit ou de la rémunération du producteur.
Avec un prix de vente conseillé de 7,22 euros, cette bouteille de Beaujolais clame que « ce vin a été créé avec nous les consommateurs en soutien aux viticulteurs français », l’apporteur de raisin étant payé 250 euros l’hectolitre. Quand les cours moyens étaient de 166 €/hl pour le Beaujolais rouge et de 182 €/hl pour les Villages sur la campagne 2017-2018, cela représente une plus-value de 40 à 50 %. « Comme une grande partie de la viticulture dans le Beaujolais, nos charges avoisinent actuellement nos revenus… Fournir des raisins pour la cuvée « C’est qui le Patron ?! » va me permettre de dégager un salaire. Et d’ouvrir des perspectives d’investissement pour moderniser mon entreprise » témoigne, le sourire aux lèvres, le viticulteur Fabrice Sandrin (17 hectares en appellation Beaujolais, à Saint-Vérand).
Consomm’acteurs
« Le cours du marché est une donnée à bannir. Les consommateurs n’en veulent plus, les producteurs n’en étaient contents qu’avant l’avènement d’une compétition mondiale » tranche Laurent Pasquier, le Directeur Général et cofondateur de « La Marque du Consommateur ». Pariant sur la prise de conscience des consomm’acteurs, l’entreprise a ouvert un questionnaire où les consommateurs pouvaient arbitrer les modalités de production de quatre cuvées.
Souhaitant aider la « grande majorité des viticulteurs qui sont pauvres et ne s’en sortent pas », Laurent Pasquier a sélectionné quatre vignobles à valoriser en grande distribution : le Ventoux pour un vin rouge, Pays d’Oc pour un blanc, le Pont du Gard pour un rosé et le Beaujolais pour un rouge, qui est le seul à être finalisé actuellement. Ayant sélectionné le domaine Chermette (50 ha dans les Pierres Dorées) pour vinifier les raisins de trois apporteurs, « La Marque du Consommateur » a passé un contrat triennal partant prudemment sur un volume de 1 000 hectolitres respectant le cahier des charges.
Concrètement, les consommateurs ont demandé à leur vin du Beaujolais d’être produit en viticulture raisonnée (ce qui se traduit par une certification Terra Vitis), en vendanges manuelles (suivant la « tradition »), sans ajout de levures (la fermentation spontanée interdisant au passage la thermovinifaction) et sans chaptalisation (ce qui est relativement facile sur un millésime comme 2018).
« Le cahier des charges correspond pratiquement à ce que l’on fait, à quelque chose près » explique Pierre-Marie Chermette, le propriétaire du domaine éponyme (50 ha). « On s’est spécialisé dans le Beaujolais non chaptalisé, mais on n’était pas sous Terra Vitis jusqu’à présent. On s’est mis à la certification, entraînant avec nous trois viticulteurs de Saint-Vérand » ajoute-t-il. Si les achats de raisin sont bouclés pour la cuvée « C’est qui le Patron ?! », sa vente à des distributeurs est en cours. Prévue pour 2019, sa commercialisation permettra de vérifier si les exigences environnementales formulées en ligne par les consommateurs se traduisent par des achats en linéaires.
* : La gamme « C’est qui le Patron ?! » a été lancée en 2016 avec des briques de lait. Visant les 7 millions de briques commercialisées en 2017, la marque a atteint le cap des 30 millions de ventes. La gamme se décline en beurre, jus de pomme, miel, fromage, œufs, pâtes, steak haché…
Embouteillage à Moncigale
Pour ses vins, « La Marque du Consommateur » a également passé un partenariat avec le groupe Marie Brizard Wine & Spirits (ex-Belvédère) pour sous-traiter les phases de conditionnement et de logistique. Les citernes de vin en vrac seront envoyées à la cave de Beaucaire, Moncigale. »