LA MONTAGNE – « C’est qui le patron ! », une solution face à la crise agricole ?

« C’est qui le patron ! », une solution face à la crise agricole ?
Après les Gueules cassées, Nicolas Chabanne a lancé la « marque du consommateur ». Photo DR © Auxerre AGENCE
17/11/2017

 

« La société « C’est qui le patron ! » est la première en France à proposer à ses clients d’élaborer le cahier des charges du produit. Pour aider les éleveurs face à la crise agricole, les consommateurs ont choisi de payer plus cher.

Depuis avril 2015, les pays membres de l’Union européenne n’ont plus de quotas laitiers. La fin de cette « quantité de production à ne pas dépasser » a complètement bouleversé le marché. Les volumes ont augmenté, mécaniquement les prix ont chuté, ce qui oblige de nombreux éleveurs à vendre leur lait moins cher qu’il ne leur coûte.

Pourtant, c’est quelques mois plus tôt – en juin 2014 – qu’un communicant spécialiste de la distribution alternative s’empare du problème de la rémunération des éleveurs. « Un soir de juin 2014, je ne dormais pas. J’étais à ma fenêtre devant le mont Ventoux et je me suis dit : si je rassemble 100.000 personnes, que je leur explique qu’en payant le lait 4 € de plus par an, cela permet à un agriculteur de vivre, et que je leur demande s’ils achèteraient un lait équitable, 90 % d’entre eux diront oui ! », confiait Nicolas Chabanne au Parisien, en mai dernier.

93% des consommateurs ont choisi de payer plus cher

 

Le pari est ambitieux. Traditionnellement, dans la grande distribution, le prix constitue le premier argument pour séduire le client. Celui qui s’est déjà fait connaître pour avoir fondé les Gueules cassées – un collectif qui propose à des tarifs attractifs des fruits et des légumes abîmés et habituellement jetés – pense que les consommateurs jugeront la situation des agriculteurs suffisamment insupportable pour ne pas chercher leur propre profit, mais un revenu décent pour les éleveurs.

Reste à confronter cette intuition à l’épreuve du marché. Avant de vendre ses briques de lait, « C’est qui le patron ! » (le nom de l’entreprise) propose, durant l’été 2016, un questionnaire à choix multiples à ses futurs consommateurs pour élaborer le cahier des charges. Le choix porte sur le pays de production, les conditions de production ou encore le tarif. Sur ce dernier point, les 8.000 votants choisissent à 93 % que l’éleveur se rémunère et dispose d’un peu de temps libre.

 

Cité en exemple par Emmanuel Macron

Outre le fait d’être « la marque du consommateur », une première nationale dans cette acceptation, la société de Nicolas Chabanne peut donc se targuer de proposer un « produit équitable ». La concomitance avec les mouvements des éleveurs, durant l’été 2016, contre les tarifs pratiqués par Lactalis assure la promotion de la démarche dans les médias.

 

La brique de lait « C’est qui le patron ? » est un succès de grande surface. Photo DR

Le produit, lui, trouve sa place dans les grandes surfaces. Un an après son lancement, en octobre 2016, 23 millions de briques ont été vendues. Un résultat fou, bien au-delà des 5 millions espérés avant lancement. Grâce à ce succès, une centaine de producteurs vendent leur lait à 0,39 centime quand le coût de revient se situe autour de 0,30. Une réussite que le président de la République a même citée en exemple lors des États généraux de l’alimentation.

 

D’autres produits ont suivi

 

Le modèle plaît. Depuis la semaine dernière, la marque est présente en Belgique. D’autres pays sont également intéressés pour la commercialiser. En France, le modèle se développe. Les briques de lait ne sont plus les seuls produits « C’est qui le patron ! » à être disponibles en magasin. La société a développé un steak haché, un jus de pomme, une pizza, du beurre bio et tout récemment de la compote de pommes. Dans les prochains mois, des pâtes et de la salade vont suivre.

 

Le principe reste le même que pour la brique de lait. En ce moment, un questionnaire à choix multiples est proposé pour élaborer du beurre, du fromage blanc, des œufs et de la fourme du Forez. Au total, le catalogue devrait rapidement s’étendre à une vingtaine de produits. De la crème fraîche, de « bons » fruits ou encore des cookies devraient suivre. Comme une grande partie des grandes surfaces jouent le jeu, il est possible d’acheter ces produits pratiquement partout en France. »

 

Ludovic Aurégan

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