Confort, sélection génétique, conduite des génisses, tarissement et chance : voilà les facteurs de réussite du troupeau de Sébastien Bonamy, éleveur laitier à l’Earl des Fromenteries. Sur 64 vaches à la traite, 23 ont dépassé les 4 lactations. Des vaches rentables dont la carrière ne se limite pas aux 2,5 lactations de la moyenne nationale. Parmi elles, Team EHB, bien connue des rings, qui vient de quitter la stabulation pour prendre sa retraite à 17 ans et bien plus de 100 000 litres de lait produits.
21/06/2019
À près d’un kilomètre du village de Cléry Saint André (45), au Sud-Ouest d’Orléans, on ne peut pas dire que l’élevage des Fromenteries soit dérangé par le voisinage. La ferme, entourée de pâtures et de champs, abrite une soixantaine de vaches laitières et leur suite. Si le bâtiment et la salle de traite 2×4 paraissent assez anciens, comme on dit : « il ne faut pas se fier aux apparences ! » Car en effet, le niveau d’étable, lui, a bien évolué avec son temps.
« NOUS SOMMES ÉLEVEURS AVANT TOUT »
Sébastien Bonamy travaille avec son père sur l’élevage familial. Très proche de son troupeau, il présente : « On avoisine les 10 000 litres par vache, avec 42 de TB et 33 de TP. » Rien d’impressionnant direz-vous ? Pourtant, plus d’un tiers des vaches (23 exactement) ont dépassé les 4 lactations. L’actuelle doyenne du troupeau est même dans sa 9e lactation. Et comme le rappelait Urbain Moureaux dans un précédent reportage : « La vache rentable est celle qui dure dans le temps. »
Passionné de génétique, Sébastien a foulé un grand nombre de ring et écume les titres. Sa « chouchoute » comme il la surnomme n’est autre que Team EHB, bien connue des amateurs de concours. Toujours présente sur l’élevage à 17 ans, elle coule des jours heureux en pâture puisqu’elle vient de prendre sa retraite. « Comme le vin, c’est une vache qui s’est bonifiée avec le temps car elle n’a véritablement commencé sa carrière qu’au 3e veau. Elle a d’ailleurs fait meilleure laitière et réserve championne à Paris, a remporté deux fois le régional et deux fois l’interrégional. »
En tout, Sébastien et son père ont amené pas moins de 6 vaches à plus de 100 000 litres. Parmi les plus connues, il y a Team EHB, PBM Toto, Voute EHB… D’autres ne devraient d’ailleurs pas tarder à les suivre : Demone, Galande, Fougue et même BTS Swann la star du moment avec son 11e veau en 6 vêlages seulement et ses 13 000 litres de lait/an.
Côté cultures, les 70 ha de SAU sont répartis en 35 ha de prairies, 35 ha de maïs et ray-grass. Père et fils préfèrent être aux côtés de leurs vaches que dans les champs : « On ne s’occupe que de passer la herse et l’arrosage », s’amusent-ils à dire. Le reste est fait par un prestataire extérieur. « On est davantage éleveurs que céréaliers, on ne veut pas investir de matériel sur les cultures et préférons rester concentrés sur les vaches. » Les seuls investissements à venir concerneront certainement la modernisation de la salle de traite lorsque M. Bonamy prendra sa retraite et que Sébastien s’installera pour de bon. En revanche, il n’est pas question d’installer un robot : « La traite me permet de voir mes vaches de près, vérifier leurs pieds et leur état de santé général. »
L’Earl les Fromenteries en quelques chiffres :
2 UMO (père et fils)
70 ha de SAU (35 ha de prairies, 35 ha de maïs -irrigué- et de ray-grass)
64 VL
10 000 l de moyenne
Taux : 42 – 33
Contrat de 600 000 l à LSDH (filière C’est qui le patron ?)
163 000 cellules
Note globale du troupeau : 87,9
ISU : 136
Rang moyen de lactation : 3,8
Atelier de volailles fermières (environ 2 500 volailles/an)
FAIRE VIEILLIR SON TROUPEAU LAITIER : VERS DES VACHES RENTABLES
« Quelle est la recette de la longévité ? » Voilà une question à laquelle les éleveurs n’avaient pas vraiment réfléchi. En effet, pour eux il s’agit simplement de garder les vaches tant qu’elles produisent suffisamment : « On aime voir vieillir nos vaches. On préfère vendre des jeunes animaux qui nous ont coûté à élever plutôt que de faire partir des vieilles qui rapportent. » Ainsi, peu de réformes partent à l’abattoir et beaucoup de génisses sont vendues à leur premier vêlage.
En creusant pourtant, certains aspects leurs paraissent évidents pour faire vieillir les vaches : « Il faut bien sûr qu’elles disposent d’un logement confortable. » C’est une priorité pour Sébastien. L’aire paillée est vidée tous les 6 jours environ et le taux cellulaire du troupeau ne dépasse jamais les 200 000 (160 000 en moyenne sur l’année). Le pâturage est tout aussi important : les animaux sont dehors du 1er mars à fin octobre. « En cette saison, elles sont libres de faire ce qu’elles veulent. Le bâtiment reste toujours ouvert, ce qui leur permet d’avoir accès à l’auge en permanence. Elles rentrent et sortent comme elles le veulent. » Les animaux sont également parés deux à trois fois par an.
« Confort, sélection, conduite des génisses et des vaches taries : les clés de la longévité »
Au niveau de la sélection génétique, l’éleveur explique : « La morphologie et la longévité sont indissociables. On sélectionne principalement sur les pattes, la mamelle et la solidité. En gros, on veut des vaches « BB » : belles et bonnes ! Même sur des vaches à index, il faut de la morpho. » Sébastien insémine lui-même. Il travaille avec plusieurs entreprises de sélection même si ses taureaux du moment sont surtout des RedBlack (Cayenne, Nacio…). Le troupeau comprend plusieurs mères à taureaux. Les éleveurs vendent 1 à 2 taureaux par an en contrat avec Gènes Diffusion.
Ration des vaches laitières :2/3 maïs ensilage
1/3 ensilage d’herbe et pulpe de betteraves
VL et correcteur : colza
Autre facteur important : la conduite des génisses. « Les veaux sont au colostrum de leur mère pendant 4 à 5 jours. Ils sont en cases individuelles et boivent 3 l/j en 2 buvées. À un mois et demi, ils passent en cases collectives et n’ont plus qu’un seul repas/j. On les sèvre à 2 mois et 120 kg de moyenne. Ils partent alors en quarantaine dans un autre bâtiment pour s’habituer à être seuls quelques jours puis rejoignent les autres lots ensuite. »
Les génisses sont conduites en ration sèche granulé + paille. (©Terre-net Média)« On leur distribue le granulé des génisses dès la naissance pour les habituer à en manger au plus vite. » En effet, les génisses sont conduites en ration sèche (granulés + paille). « Il y a encore 4 ans, les génisses étaient élevées au maïs ensilage mais on trouvait que la ration était trop hétérogène. De plus, on n’a pas assez de cultures pour alimenter tout le monde. Certes, l’aliment coûte plus cher mais les génisses poussent bien et on a surtout gagné 4 mois d’âge au vêlage (28 mois au lieu de 32 avant) ; elles sont donc rentables plus vite. Elles ne gouttent au maïs seulement lorsqu’elles rentrent pour vêler. » Sébastien explique : « On ne pousse pas les animaux en premier veau. On les laisse produire ce qu’elles peuvent. Elles font généralement 8 à 9000 litres sauf certaines qui produisent plus naturellement. Pour les autres, on n’insiste pas. »
D’ailleurs, le tarissement est synonyme de pâturage pour les éleveurs : « On tarie 2 mois sur une ration moins riche, soit de l’herbe ou une ration sèche en plein hiver lorsque les conditions ne permettent pas de sortir les animaux. Les bêtes reviennent à l’ensilage en phase de préparation vêlage. » Sébastien et son père essaient de faire vêler tous les ans mais cela ne les dérange pas d’allonger la lactation si la vache produit encore suffisamment de lait.
Enfin, dernier critère de réussite non négligeable concernant la longévité pour Sébastien : la chance. « Il ne faut pas avoir de vache qui tombe ou qui se casse une patte. On a aussi la chance d’avoir un troupeau qui prend relativement bien à l’IA. » Il souligne : « Certes, le travail des éleveurs fait beaucoup mais il faut aussi une part de chance… »
Delphine Scohy