LE FIGARO – Et si le consommateur fixait lui-même le prix du lait ?

Et si le consommateur fixait lui-même le prix du lait ?

« « La Marque du consommateur » est un projet qui ambitionne de régler la crise des producteurs. Elle propose aux consommateurs de définir eux-mêmes les caractéristiques de fabrication d’un produit et d’en fixer le prix.

Les temps de crise sont parfois l’occasion de prendre les problèmes à l’envers. A l’heure où une guerre du lait fait rage à Laval, certains veulent croire que la paix est encore possible. «La Marque du consommateur», cofondée par Laurent Pasquier et Nicolas Chabanne, se veut une possible solution à la crise que traversent actuellement les producteurs de lait en France. Déjà à l’origine du projet les «Gueules cassées», dont le but est de réhabiliter les fruits et légumes «moches», Nicolas Chabanne en est convaincu et le répète volontiers, «aujourd’hui c’est l’heure!», l’heure de régler cette «crise complétement bloquée pour quelques centimes».

Pour chaque litre de lait acheté, selon lui, il manque en effet 7 centimes pour que les producteurs puissent se rémunérer décemment, soit 3,50 euros par an et par habitant en France. Avec ces «3,50 euros on pourrait sortir les producteurs d’une situation à la fois tragique et injuste». Pour 1000 litres de lait produits, un producteur perd en moyenne entre 60 et 100 euros.

 

«Renverser le système push»

Fort du succès des «Gueules Cassées», Nicolas Chabanne a voulu continuer à parier sur les consommateurs. Il veut renverser le «système du push» qui présente au consommateur «un produit dont il ne sait rien» et qu’il n’a pas choisi. Avec «La Marque du consommateur», il a voulu, une fois encore, donner les rennes à ceux qui consomment en les laissant eux-mêmes définir le cahier de charges de la brique de lait qu’ils consomment, par exemple, et en fixer le prix. Ils n’ont qu’à remplir un formulaire sur le site dédié de l’initiative pour soumettre leurs préférences et ainsi influencer le prix final du produit.

Selon Nicolas Chabanne, le consommateur est prêt à payer un peu plus cher quand on lui donne des informations supplémentaires (traçabilité du lait grâce à des QR codes, garantie sans OGM, garantie équitable pour les producteurs). Les résultats du questionnaire mis en ligne il y a à peine une semaine semblent d’ailleurs le prouver. Parmi les 2000 réponses déjà collectées, la majorité des consommateurs se disent prêts à payer entre 7 et 9 centimes de plus que le prix moyen, rien que pour revaloriser la rémunération des producteurs et assurer la pérennité de leur activité en France.

Du lait dans les rayons dès le 16 octobre

La «Marque du consommateur» est en passe de réussir son pari. En partant des informations recueillies grâce au formulaire, elle devrait commercialiser dès le 16 octobre un lait qui correspondra aux attentes des consommateurs (fourrages locaux, durée minimum en pâturage, etc.) et rémunèrera équitablement les producteurs.

Nicolas Chabanne l’assure, si l’accord de distribution en cours de négociation avec un géant de la distribution se concrétise, «les laiteries seront capables de produire les 5 à 10 millions de litres qui devraient être vendus chaque année et ce en respectant le cahier de charges». Issu lui-même du milieu agricole et rompu à l’art du marketing, il se dit «agréablement surpris» par l’accueil enthousiaste de l’initiative par les marques et les distributeurs.

Parmi les partenaires, la laiterie LSDH, basée à Saint Denis, a été la première à franchir le pas en signant un accord avec la Marque. Une décision «courageuse», pour ce concurrent de Lactalis qui a multiplié, ces dernières années, les initiatives de ce genre, proposant des produits locaux à des prix équitables. Et ça marche! Emmanuel Vasseinex, à la tête de LSDH, se dit étonné de voir le succès de son lait «made in Île-de-France». D’autant que cela lui permet de sécuriser les emplois de son entreprise et de mieux rémunérer ces agriculteurs qu’il connaît bien. Presque de quoi rallumer une flamme chez eux qui sont «fatigués et désabusés» face à la situation. »

 

Constantin THIERRY

 

Article Original