20/11/2017
« La publication du prix du lait pour le mois dernier voit encore la France dans la catégorie « petit payeur ». Alors que les producteurs serrent leur coût de revient, se battent pour lancer leur propre filière, je m’énerve contre ces attitudes de consommation de toujours chercher le prix le plus bas. Si nous voulons tous garder une agriculture nombreuse et fière sur notre territoire, soyons prêts à payer le juste prix.
Quelle est ma légitimité à écrire cela ? Aucune autre que celle de quelqu’un qui observe le problème par les 2 bouts de la lorgnette. Comme tout un chacun, je fais les courses en essayant de nourrir sainement ma famille sans enflammer mes dépenses. Travaillant aux côtés des agriculteurs, je connais leurs difficultés, je vois leurs efforts pour produire des aliments sains.
Arrêter la spirale du moins-disant
Alors que les producteurs français auront été payés, en octobre 2017, 355 € la tonne de lait, leurs collègues allemands auront reçu 394 € et ceux des Pays-Bas 417 €. Face à l’un des prix les plus bas d’Europe, les éleveurs se démènent pour trouver des solutions et maintenir leur exploitation la tête hors de l’eau. Certains font le pari de créer leur propre filière et en appellent au sens civique des consommateurs : consommer local pour sauver un paysan plutôt qu’engraisser une multinationale. Près d’une dizaine de ces « laits solidaires » essaient de se faire une place dans des linéaires déjà bien encombrés, entre le lait sans ça et le lait avec du ci ajouté. Pour certains, comme par le lait « C’est qui le patron » lancé par un pro de la comm’ qui a su fédérer une association de consommateurs, le pari semble gagnant avec une rémunération correcte et le lancement de nouveaux produits. Pour d’autres, je m’interroge sur le réel retour économique pour les éleveurs. Quand la nouvelle filière repose sur leurs seules épaules, ils ont dû investir et apprendre le métier de transformateur. Quant aux derniers, ils semblent avoir été happés par une organisation, coopérative, OPA et même syndicats.
A cette crise qu’hélas la filière laitière n’est pas la seule à connaitre, la réponse des états généraux de l’agriculture semble bien faible. En tout cas en monnaie sonnante et trébuchante que les agriculteurs peuvent espérer. Avant une loi annoncée pour 2018, c’est une charte « pour des négociations commerciales loyales et prenant en compte les coûts de production » qui encadrera les actuelles négociations tarifaires. Je ne mets pas beaucoup d’espoir dans un changement de pratiques de la grande distribution. Contraints et forcés, ils rendront peut-être leurs négociations sur les prix un peu moins infectes. Mais est-ce que ça suffira à donner un salaire décent à tous les agriculteurs ?
Choix citoyens
C’est peut-être le moment pour nous, les consommateurs que nous sommes tous, d’agir, d’acheter en conscience, de ne plus se contenter de déclarations d’intention. Aujourd’hui, les achats alimentaires, y compris pour les repas pris en dehors du domicile, représentent 20 % du budget des français. Dans les années 1960, c’était 35 %. Certes, depuis, notre pouvoir d’achat a augmenté mais les priorités d’achats ont surtout changé. Les loisirs, la téléphonie, le high tech ponctionnent bien les budgets.
Depuis 2012, un signe encourageant est apparu. La part des achats alimentaires ne diminue plus et regagne même 0,33 % chaque année. J’espère que c’est enfin une prise de conscience qu’il faut arrêter de faire la course aux prix les plus bas. Même avec un budget serré, il est possible de choisir des produits de filières courtes, aussi locaux que possible, qui assurent une juste rémunération aux producteurs, de faire des choix citoyens. Franchement entre acheter une brique de lait à 65 centimes ou à 95 centimes, ça pèse quoi sur le prix d’un caddie bien rempli en début de mois ? Ou face à l’augmentation du prix des cigarettes… »
Julien Cécile