LES ECHOS- Quand les mentions bio et équitable ne suffisent plus

26/02/2019 

« Ils ont été moteurs dans la tendance à une alimentation plus saine et à la conversion des Français au bio. Mais face aux grandes marques qui les ont suivis, les petits acteurs ont intérêt, eux aussi, à soigner packaging et désirabilité de leurs produits.

 

Rarement l’adage small is beautiful n’aura été plus approprié. En matière d’alimentation, ce sont les grandes marques (inter) nationales qui souffrent le plus des effets du phénomène de déconsommation et plus généralement de la méfiance vis-à-vis de l’alimentation industrielle. Dans les grandes surfaces ce sont les petits producteurs bio, l’artisanal et le local qui captent en quasi-totalité la croissance de l’activité.

 

Un récent sondage réalisé dans quatre pays ayant des attentes très différentes vis-à-vis de l’alimentation (Brésil, États-Unis, France et Grande-Bretagne) par Canteen, l’agence spécialisée dans le food du groupe de communication JWT, montre que 60 % des consommateurs sont d’accord pour dire que les grandes marques doivent améliorer leur offre. « Avec les chaînes de fast-food, elles sont perçues comme bien moins dignes de confiance que les petites marques ou les marchés de producteurs », constate Virgile Brodziak, Directeur général de JWT pour la France.

Risque de banalisation

En France, le bio, après un faux départ à la fin du siècle dernier, a fini par se faire une place, grandissante, dans les rayons. Mais à l’heure où s’installent les nouvelles tendances poussant à une alimentation plus saine (flexitarienne, végane, sans additifs ni conservateurs…), les petits acteurs, hier précurseurs, se font rattraper par les marques nationales et les grandes enseignes qui, toutes, ont développé leur propre offre bio et des circuits de distribution dédiés.

 

Face au risque de banalisation, les petits acteurs auraient intérêt à ne plus seulement mettre en avant qualité et intégrité du produit mais à adopter une vraie démarche de marque en cherchant à se différencier davantage. Le militantisme et la transparence des étiquettes ne suffisent plus, estiment les professionnels du marketing. « Les petits producteurs qui ont lancé le bio en France se sont focalisés sur les qualités intrinsèques de leur offre sans chercher à créer de la préférence de marque, susceptible d’attirer des communautés d’acheteurs », relève Tristan Macherel, Directeur exécutif de la création chez Landor, l’agence de stratégie et design de marque.

Rupture avec les codes marketing

Quelques exceptions existent cependant. Exemple les yaourts Les Deux Vaches ou les biscuits Michel & Augustin, deux marques « niche » adeptes du storytelling, qui ont eu à cœur de soigner autant le contenant que le contenu. Elles ont été vite rachetées par Danone « qui n’a rien changé à leurs codes esthétiques », constate Sophie Grenier, Directrice stratégie de l’innovation de l’agence Dragon Rouge.

 

Mais d’une façon générale, les producteurs bio semblent accorder peu d’importance à l’aspect, charte graphique, code couleurs de l’habillage de leurs produits. « En France, on demande avant tout aux emballages alimentaires d’être appétissants. L’abstraction et l’humour, deux leviers marketing couramment utilisés outre-Manche, passent mal ici », remarque Tristan Macherel. À ce jour, Monoprix est pratiquement le seul y avoir recours pour sa marque distributeur.

 

Si « C’est qui le Patron ?! » s’est imposé très vite dans les linéaires, ce n’est pas grâce au style de ses packagings ultra-basiques, brique Tetra Pack imprimée bicolore. Bien au contraire. « La marque revendique cette rupture avec les codes marketing. C’est aussi une façon de montrer aux consommateurs que l’argent va bien en priorité aux éleveurs et ne sert pas à payer la pub. Ils perdraient peut-être des consommateurs s’ils changeaient », analyse Sophie Grenier.

 

Il n’empêche que pour les spécialistes, ce bio, première génération, devrait bientôt faire la place à plus de sophistication. « Indispensable pour se différencier quand le bio et le sain seront généralisés et qu’il faudra avoir recours à des stratégies de marque pour susciter de la désirabilité », souligne Tristan Macherel. Ce qu’ont compris les dirigeants de Fruits Détendus, une marque récente de produits à base de fruits, bio, vegan, sans sucre ajouté, qui se présente comme la « Société secrète des adorateurs du fruit ».

 

Et les exemples ne manquent pas venus des pays du Nord ou anglo-saxons qui pratiquent le contre-emploi. Tony’s Chocolonely, la marque néerlandaise de chocolat équitable n’a ainsi pas hésité à adopter un look de confiserie bon marché. Rebel Kitchen (produits équitables à base de substituts de lait) est sûr de trancher dans les rayons avec son esthétique noir et blanc et son ton « activiste ». La palme revient au suédois Oumph ! qui trompe son monde en empruntant les codes du fast-food et donne à ses steaks végétaux l’aspect d’une belle viande rouge ou de « ribs » barbecue. »

VALÉRIE LEBOUCQ

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