14/02/2019
« Quel régime alimentaire pour demain nourrir convenablement les 10 milliards d’habitants du globe en 2050 tout en préservant la planète ? C’est à cette question fondamentale que répond une étude fouillée publiée début janvier par la très sérieuse revue médicale The Lancet associée à l’ONG EAT. La bonne nouvelle apportée par les scientifiques est que c’est possible. La mauvaise nouvelle est que le régime alimentaire proposé est assez tristounet. Devrons-nous radicalement changer nos habitudes alimentaires ?
Quel régime alimentaire pour demain : le constat alarmant des scientifiques
A l’instar des experts du GIEC, les 37 scientifiques réunis par The Lancet et l’ONG EAT commencent leur rapport par un cri d’alarme. Notre modèle actuel n’est pas pérenne : « Nous n’arrivons plus à nourrir notre population de façon saine en préservant les ressources de notre planète ».
Ils dénoncent un modèle actuel qui nous emmène dans le mur au niveau environnemental et qui en plus ne permet déjà pas de nourrir convenablement l’humanité : « plus de 820 millions de personnes souffrent de malnutrition et de plus en plus consomment un régime alimentaire malsain qui contribue à une mortalité précoce ». Ce modèle est celui de l’agriculture intensive qui a conduit à l’absurdité des usines à poulet et à la faillite le groupe Doux que nous avions évoquée dans un précédent article.
Quel régime alimentaire pour demain : la frugale proposition des scientifiques
Leur constat est malheureusement implacable et m’a personnellement interpellé. Quel régime alimentaire pour demain : clairement pas celui que nous avons aujourd’hui. Je me suis donc intéressé aux solutions proposées par nos scientifiques. Ils nous proposent le régime alimentaire ci-dessous.
Pas de véritable surprise au premier abord. Ils sont en phase avec les recommandations de ma Maman adorée, à savoir moins de viande et plus de légumes. Tout ça pour ça ! Et puis dans les bonnes nouvelles, les produits laitiers figurent en bonne place dans ce régime. Le pain beurre ne semble pas condamné à mort. Les scientifiques de l’ONG EAT parlent d’ailleurs d’un retour au régime méditerranéen traditionnel, somme toute le retour au bon sens après l’orgie industrielle.
Mais il faut y regarder de plus près. Ce régime est frugal, vraiment frugal.
La photo ci-dessous présente une consommation type pour une journée entière. J’ai cru au premier abord qu’il s’agissait d’un seul repas. On ne parle pas de moins de viande mais de beaucoup moins de viande : 14 grammes de viande rouge par jour, 30 grammes de volailles. L’entrecôte XL 330g d’Hippopotamus représente 24 jours de consommation de viande rouge d’un coup.
Pourtant ce régime alimentaire apporte bien les 2 500 calories journalières dont nous avons besoin. Il repose en fait largement sur la consommation de nuts (diverses noix, noisettes et autres graines) sources de protéines venant se substituer aux protéines animales, avec à la clé un bénéfice environnemental majeur.
Quel régime alimentaire pour demain : changer nos habitudes
La perspective de remplacer une bonne côte d’agneau ou un bon rôti de bœuf par des pistaches ou des graines ne m’enchante guère. Alors je vous laisse imaginer la réaction de nos amis américains à l’idée de diviser par 6,5 leur consommation de viande rouge comme recommandé par l’étude. Ils viennent de consommer 1,3 milliards de chicken wings à l’occasion du Superbowl. Je vois déjà Donald Trump casquette rouge Make America Great Again vissée sur la tête dénoncer un nouveau complot contre l’American Way of Life entre deux bouchées d’un énorme burger.
Dès lors, comment faire ? Les scientifiques de la commission EAT/The Lancet ne seraient-ils que des technocrates ascètes complètement déconnectés de la réalité et des aspirations des peuples ? Leur rapport n’a pas manqué de déclencher une levée de boucliers. La journaliste du New York Time Nina Teicholz auteur du best-seller The big fat surprize ardente défenseur du burger accuse EAT/The Lancet de partialité. Selon elle, 80 % des chercheurs recrutés étaient en phase avec les idées végétariennes/végans avant de rejoindre le projet EAT/The Lancet. Bref ce rapport serait en fait une action déguisée du lobby vegan. Nos scientifiques mangeurs de nuts have turned nuts ironisent leurs détracteurs.
Les faits sont pourtant têtus et notamment l’impact environnemental du modèle agricole actuel. Alors comment changer nos habitudes ? Je suis assez sceptique sur la recommandation des chercheurs d’une politique mondiale pilotée par l’ONU. Cela rappelle malheureusement les difficultés concernant le réchauffement climatique. Je pense que l’évolution des comportements viendra d’en bas, du consommateur.
Le secteur a déjà commencé à bouger. La consommation de viande a commencé à baisser. Le bio et les filières courtes sont en plein essor. Nous parlions dans notre alphabet 2018 du succès de l’application Yuka avec ses 5 millions d’utilisateurs qui note la qualité nutritionnelle des produits vendus dans la grande distribution et fait bouger les lignes. Sans oublier le succès de « C’est qui le Patron ?! » – « La Marque du Consommateur » qui cherche à concilier qualité du produit et rémunération équitable pour le producteur. Et puis entre insectes et cuisines note à note, la science nous réserve quelques surprises. Nous en reparlerons.
Quant à moi en attendant, je ressors ébranlé de cette plongée dans le rapport EAT/The Lancet. Sans aller jusqu’au régime recommandé, je crois que je vais enfin écouter les bons conseils de ma Maman : moins de viande, plus de légumes.
Révolution chez Nestlé. La multinationale de l’agro-alimentaire annonce la cession probable d’une de ses marques phare : la marque de charcuterie Herta. « Le marché de l’alimentation végétale est beaucoup plus prometteur que celui des aliments carnés » a déclaré son Directeur Général Mark Schneider. »